Deux fois par an, la Journée de la Filière MCGRE (Maladies rares du Globule Rouge et de l’Érythropoïèse) réunit médecins, chercheurs, associations de patients et acteurs institutionnels autour d’un objectif commun. Tous souhaitent faire progresser la prise en charge, la recherche et la reconnaissance des maladies rares du globule rouge, comme la drépanocytose, la thalassémie, les déficits en G6PD ou Pyruvate kinase ou encore les anémies dysérythropoïétiques congénitales, pour ne citer que les principales.
Pour cette 19ᵉ édition, qui s’est tenue le 31 janvier 2025 à Sorbonne Université, les échanges ont été particulièrement riches. Nouveautés thérapeutiques, avancées en dépistage, outils pédagogiques, intelligence artificielle, attentes des territoires ultramarins. Voici un tour d’horizon complet des interventions marquantes, dans un langage accessible aux patients comme aux professionnels.
Ouverture de la Journée de la Filière MCGRE : Pr Frédéric Galactéros et Pr Valentine Brousse
La 19ᵉ Journée nationale de la Filière des Maladies rares du Globule Rouge et de l’Erythropoïèse (MCGRE) s’est ouverte sur un moment symbolique. Le Pr Frédéric Galactéros, figure emblématique de la filière, a annoncé qu’il passait le relais à la Pr Valentine Brousse, désormais nouvelle animatrice.
Ce passage de témoin s’est fait dans un climat de confiance, avec un retour sur les actions majeures de 2024. Le développement de la visibilité de la Filière a été souligné : refonte du site internet, élargissement du réseau, visibilité accrue à l’international… Quant aux projections vers les priorités 2025, elles visent l’interaction renforcée avec les associations et le soutien à la recherche translationnelle.
Communication et visibilité : Lucile Guénégou
Lucile Guénégou a détaillé les efforts de la filière pour faire rayonner l’information scientifique et médicale à destination des patients comme des professionnels. En 2024, la chaîne YouTube de la MCGRE a vu croître son audience, les supports de communication se sont enrichis de nouveaux formats (vidéos ateliers, outils pour les médecins de ville, fiches patients). Des publications sur les réseaux sociaux ont permis d’aborder davantage les maladies du globule rouge auprès du grand public.
Tous les documents édités par la filière sont visibles ici.
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ASH 2024 : retour des internes lauréats de la bourse MCGRE
Grâce à une bourse octroyée par la filière, Marie Laloi, Ugo Boccadifuoco et Christophe Ferreira, trois internes ont pu assister au congrès annuel de l’ASH (American Society of Hematology) et livrer leur lecture des temps forts. Ils ont notamment mis en lumière l’actualisation à 10 ans de l’étude DREPAGREFFE, qui confirme les bénéfices cognitifs et vasculaires de l’allogreffe chez les jeunes patients drépanocytaires.
Par ailleurs, plusieurs essais sur la thérapie génique — Exa-cel, Lovo-cel, BEAM-101 — révèlent des résultats prometteurs : réduction significative des crises vaso-occlusives, augmentation de l’hémoglobine fœtale (HbF) et amélioration de la qualité de vie. Une base de données européenne, uRADAR, centralisant les cas d’anémies ultra-rares, a aussi été présentée comme levier de recherche future.
Drépanocytose à l’ASH : Pr Marianne de Montalembert
Le Pr Marianne de Montalembert a partagé également un éclairage global sur les sessions clés de l’ASH. À l’échelle internationale, le manque de dons du sang reste un facteur de mortalité majeur, notamment en Afrique subsaharienne. En France, le fonctionnement des filières de santé maladies rares et celui de la filière MCGRE spécifiquement permet un maillage cohérent des expertises, avec une ambition affirmée de médecine personnalisée et délocalisée.
Parmi les traitements innovants, l’Etavopivat s’impose : l’essai HIBISCUS démontre une réduction des crises vaso-occlusives, une hausse rapide et durable de l’hémoglobine, et une meilleure tolérance globale.
Actualités du Club du Globule Rouge et du Fer : Dr Véronique Baudin-Creuza
Le Dr Véronique Baudin-Creuza a présenté les grandes missions du CGRF, ses collaborations scientifiques et ses initiatives pédagogiques.
En 2024, le Club a organisé un congrès francophone en Guadeloupe, remis plusieurs prix à de jeunes chercheurs, et lancé des appels à projets en partenariat avec la filière MCGRE : une dynamique forte, au service de la recherche sur les globules rouges, l’érythropoïèse et le métabolisme du fer.
Regards croisés sur l’Océan Indien : Dr Abdourahim Chamouine
Le Dr Abdourahim Chamouine, du centre constitutif de Mayotte, a dressé un état des lieux sans fard des inégalités de prise en charge entre les territoires de l’Océan Indien. L’urgence d’une harmonisation régionale est manifeste, face à des pratiques hétérogènes et des conditions sanitaires parfois critiques.
Il évoque notamment la situation post-catastrophe de décembre 2024 à Mayotte, et propose trois scénarios pour l’avenir : recentrage à La Réunion, renforcement des moyens à Mayotte, ou coopération avec les structures de pays tiers.
Attentes des DROM-COM : Dr Narcisse Elenga
Dr Narcisse Elenga, représentant la Guyane, a souligné l’importance de mieux intégrer les réalités des DROM-COM dans les politiques nationales de santé. Il a plaidé pour un renforcement des moyens humains et logistiques, et pour une meilleure reconnaissance des initiatives locales.
Les échanges ont mis en évidence l’enjeu de construire un dialogue durable entre les territoires ultramarins et l’Hexagone.
Vaccination et drépanocytose : Drs Odièvre-Montanié & Eysette-Guerreau
Marie-Hélène Odièvre-Montanié et Stéphanie Eysette-Guerreau ont présenté la nouvelle version des supports vaccinaux adaptés aux patients drépanocytaires. Ces outils visent à assurer l’exhaustivité des vaccinations et à harmoniser les pratiques entre centres.
Parmi les nouveautés : l’arrivée du PREVENAR 20, désormais recommandé chez l’adulte et l’enfant drépanocytaire, et les schémas vaccinaux renforcés contre le méningocoque B et la dengue. Les supports sont diffusés sous forme de mémentos, carnets et affiches, facilement utilisables en consultation.
Information aux parents d’enfants AS : Drs Odièvre-Montanié & Thuret
Marie-Hélène Odièvre-Montanié et Isabelle Thuret ont présenté un volet clé de la généralisation du dépistage : l’accompagnement des familles d’enfants hétérozygotes (AS).
Un courrier harmonisé, des vidéos multilingues et des supports pédagogiques ont été développés afin de garantir une information claire, accessible et équitable sur l’ensemble du territoire. Ce courrier sera adressé, via les centres régionaux de dépistage , à tous les parents de nouveau-né AS.
Organisation du dépistage néonatal : Dr Diane Dufour
Diane Dufour (CNCDN) a présenté les premiers chiffres du dépistage généralisé de la drépanocytose, effectif depuis le 1er novembre 2024.
En deux mois, plus de 95 000 enfants ont été testés, avec une incidence proche de 1/1100. Ce changement historique s’accompagne de défis logistiques et techniques, notamment en termes d’interprétation des résultats et d’harmonisation des pratiques entre laboratoires et centres de référence maladies rares (CRMR).
Prise en charge aux urgences : Dr Maryse Etienne-Julan
Maryse Etienne-Julan a présenté un ambitieux programme de formation, baptisé «Au cœur de la douleur», destiné à sensibiliser les soignants aux spécificités de la prise en charge de la douleur des patients drépanocytaires aux urgences.
Portée par une patiente experte, Mme Luce Kuséké Sona, la formation se veut immersive et humaniste. Un atelier collaboratif avec Novo Nordisk a également permis d’identifier dix points de blocage dans le parcours patient et de proposer des solutions concrètes, comme une meilleure communication, des outils numériques et des protocoles harmonisés.
Thérapie génique et perspectives : Dr Laure Joseph
Dr Laure Joseph, en collaboration avec le Dr Isabelle Thuret, a exposé les avancées significatives des thérapies géniques dans les syndromes drépanocytaires majeurs. Plusieurs approches sont en cours de développement : ajout de gènes thérapeutiques, édition génique pour réactiver l’hémoglobine fœtale (HbF), et correction directe de la mutation responsable.
Les essais cliniques tels que HGB 206, RUBY ou encore BEACON montrent des hausses spectaculaires de l’HbF, une réduction drastique des crises vaso-occlusives, et une amélioration globale de la qualité de vie. Ces avancées soulèvent aussi des enjeux d’accessibilité et de coût à long terme.
Protéger l’innovation : Alice Gautier (AP-HP)
Alice Gautier (AP-HP) a proposé un point de vue passionnant sur la valorisation de la recherche publique. Brevets, licences, startups issues des hôpitaux : elle a expliqué comment chercheur, infirmier, aide-soignant, médecin peut protéger son innovation (logiciels, dispositifs médicaux, biothérapies).
Avec 850 familles de brevets gérées par l’AP-HP, la question de la propriété intellectuelle est plus que jamais stratégique.
Intelligence artificielle et drépanocytose : Z. Liman Tinguiri
Z. Liman Tinguiri a présenté l’outil qu’il développe, Drépanopedia, qui lui permettrait de combiner les usages émergents de l’intelligence artificielle à la circulation de l’information sur la drépanocytose.
De l’analyse de données cliniques au développement d’outils d’aide à la compréhension, l’IA ouvre des perspectives concrètes pour améliorer la prise en charge personnalisée des patients.
Les associations en action : GED, SOS Globi, DREPAVIE, DREPA31…
La journée s’est presque terminée par la présentation des actions 2024 des associations de patients : SOS Globi, DREPAVIE, DREPA31, GED, Vigifavisme, entre autres. Elles ont insisté sur la nécessité de protocoles d’urgence partagés, la reconnaissance du rôle des patients-experts, et la généralisation du dépistage néonatal pour d’autres pathologies comme le déficit en G6PD. Le lien entre la filière et les associations apparaît plus que jamais comme un pilier du progrès dans les maladies rares du globule rouge.
Enjeux du PNMR4 : A-S. Lapointe
Anne-Sophie Lapointe, représentante du Ministère de la Santé, Mission maladies rares, a clôturé la journée en évoquant les grandes orientations du 4ᵉ Plan National Maladies Rares (PNMR4), attendu pour février 2025, avec un budget annoncé de 223,5 millions d’euros, soit une augmentation significative par rapport au plan précédent. Elle a rappelé la place centrale des filières de santé maladies rares (FSMR) dans ce dispositif, l’accent mis sur l’équité territoriale, et l’importance d’un accompagnement global des patients et de leurs proches.
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Cette 19ᵉ édition de la journée MCGRE témoigne d’une dynamique collective forte, où la science côtoie le terrain, l’expertise médicale dialogue avec les vécus associatifs, et où les innovations technologiques s’enracinent dans des préoccupations humaines concrètes.
Derrière chaque intervention, un même fil rouge : améliorer la vie des patients, réduire les inégalités d’accès aux soins, et préparer l’avenir avec exigence, éthique et coopération. La filière MCGRE confirme ici son rôle structurant dans l’écosystème des maladies rares, et trace des perspectives résolument tournées vers l’action.

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Cliquer ici pour retrouver la présentation de la 18ème journée de la Filière MCGRE.