Journée Hémolyse – Edition 2025

Plongez au cœur de l’hémolyse – Edition 2025

Regards croisés sur les mécanismes, les diagnostics et les conséquences de la destruction des globules rouges.

Le 28 mars 2025, Paris a accueilli une première journée dédiée à l’Hémolyse, un évènement scientifique d’envergure co-piloté par les Drs Bouchra BADAOUI et Juliette VO XUAN. Cliniciens, biologistes et chercheurs s’y sont retrouvés pour explorer un sujet central en Hématologie : la destruction pathologique des globules rouges.

Des bases de l’érythropoïèse aux scénarios cliniques les plus complexes, en passant par les approches moléculaires et les enjeux obstétricaux, cette journée a offert une mise au point riche, transversale et actualisée des connaissances sur l’hémolyse.


Therapeutic perspectives in ineffectives erythropoïesis
Pr Olivier HERMINE – Journée Hémolyse – Edition 2025

Le Pr HERMINE a rappelé les étapes clés de la production des globules rouges, depuis les cellules souches hématopoïétiques jusqu’aux globules rouges matures. Il a détaillé les différentes phases de maturation et de différenciation médullaires notamment sous l’influence des cytokines ainsi que la régulation transcriptionnelle. Le rôle du microenvironnement médullaire dans la régulation de l’érythropoïèse, les signaux mécaniques et les interactions cellulaires ont également été détaillés.

Il a souligné le caractère essentiel de la compréhension fine de tous ces processus afin de mieux déchiffrer les défauts de production dans des contextes pathologiques tels que les syndromes myélodysplasiques.


Définition et exploration biologique de l’hémolyse
Dr Nicolas HEBERT – Journée Hémolyse – Edition 2025

Le Dr HEBERT commence par définir l’hémolyse, un déséquilibre entre la production et la destruction des globules rouges, aboutissant à une réduction de leur durée de vie. Les causes sont multiples : hémoglobinopathies, anomalies membranaires, auto-immunité, réactions post-transfusionnelles, incompatibilité fœto-maternelle, infections parasitaires, stress mécanique ou même microgravité…

Sur le plan diagnostique, l’exploration repose aujourd’hui surtout sur des marqueurs indirects et relativement peu spécifiques : LDH, bilirubine, haptoglobine et taux de réticulocytes ; il insiste sur l’importance de croiser ces paramètres. Il souligne l’intérêt croissant des marqueurs directs tels que l’hémoglobine plasmatique, la méthémoglobine ou l’hème libre, encore peu utilisés. Enfin, dans les cas complexes, la durée de vie des globules rouges reste un paramètre essentiel à intégrer dans l’analyse globale.


Démarche diagnostique et pièges devant une anémie hémolytique de l’adulte
Pr Marc MICHEL – Journée Hémolyse – Edition 2025

Le Pr Michel a rappelé les fondamentaux du diagnostic d’anémie hémolytique chez l’adulte. Le point de départ reste l’interrogatoire du patient, le suivi de l’analyse du frottis sanguin et la réalisation du test de Coombs direct (TDA ou examen direct à l’antiglobuline) : un triptyque incontournable pour orienter l’investigation étiologique. Il évoque ensuite des hypothèses parfois négligées : certaines anémies hémolytiques constitutionnelles, comme la drépanocytose, la sphérocytose ou encore les déficits enzymatiques peuvent se révéler tardivement, à l’âge adulte.

Il insiste ensuite sur l’association d’une thrombopénie à une anémie hémolytique devant laquelle systématiquement évoquer une microangiopathie thrombotique, notamment un PTT, même en l’absence de schizocytes (un frottis sanguin doit alors être répété). Il évoque aussi une autre situation qui mérite toute l’attention : celle d’une hémolyse intravasculaire avec TDA négatif et frottis sanguin sans anomalies spécifiques devant faire rechercher un clone HPN.

Marc Michel rapporte ensuite sur un écueil diagnostique fréquent, celui d’une anémie hémolytique auto-immune avec TDA négatif, un diagnostic d’exclusion à ne retenir qu’après avoir éliminé les autres causes. Enfin, il clôt sa présentation par une note d’alerte pour les patients âgés de plus de 50-55 ans : une hémolyse inexpliquée, surtout si l’anémie est peu ou non régénérative, justifie un myélogramme à la recherche d’un syndrome myélodysplasique ou en vue d’une analyse de séquençage haut débit ciblée.


Membranopathies
Pr Loïc GARÇON & Dr Bouchra BADAOUI – Journée Hémolyse – Edition 2025

Le Pr GARÇON a exposé les principales caractéristiques des anomalies héréditaires de la membrane érythrocytaire. La sphérocytose héréditaire, due à une instabilité membranaire, altère la circulation splénique des globules rouges. Le diagnostic repose en première intention sur le test EMA, complété par l’ektacytométrie (plus sensible) et parfois la biologie moléculaire. La splénectomie est guidée par la sévérité de l’anémie. L’elliptocytose héréditaire est souvent asymptomatique, mais peut se manifester à la naissance (pyropoïkilocytose transitoire) ; les formes sévères persistantes peuvent justifier une splénectomie. La stomatocytose héréditaire déshydratée (xérocytose), caractérisée par une hémolyse compensée, une pseudohyperkaliémie, une surcharge martiale et des œdèmes périnataux, ne bénéficie pas de la splénectomie, qui est inefficace et associée à un fort risque thrombotique. Le diagnostic repose sur l’ektacytométrie, confirmé par une analyse génétique.

Le Dr BADAOUI a présenté deux cas cliniques soulignant que ces pathologies peuvent aussi survenir sous forme acquise. Si la sphérocytose acquise reste exceptionnelle, avec seulement de très rares cas rapportés, l’elliptocytose acquise est désormais bien documentée, souvent observée dans le contexte de syndromes myélodysplasiques.


Clinique et biologie de l’HPN
Pr Régis PEFFAULT DE LATOUR & Pr Orianne WAGNER-BALLON – Journée Hémolyse – Edition 2025

Les Prs PEFFAULT DE LATOUR et WAGNER-BALLON ont levé le voile sur la prise en charge actuelle de l’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN), une pathologie hématologique aussi rare que complexe. Le mécanisme moléculaire de l’HPN a été présenté : il s’agit d’une mutation acquise du gène PIG-A dans les cellules souches hématopoïétiques impliquant un défaut d’ancrage à la membrane érythrocytaire de molécules GPI-liées, avec pour conséquence une sensibilité anormale des globules rouges à l’action lytique du complément. Le diagnostic repose exclusivement sur la cytométrie en flux, la biologie moléculaire n’ayant aucun intérêt à visée diagnostique (un message clair délivré par le Pr WAGNER-BALLON destiné à recentrer les pratiques).

Les orateurs ont rappelé que la recherche d’un clone HPN doit être envisagée devant trois situations évocatrices : une insuffisance médullaire, une anémie hémolytique avec test de Coombs direct négatif et/ou une thrombose inexpliquée. Le traitement repose sur les inhibiteurs du complément, notamment les anti-C5, indiqués en cas d’hémolyse intravasculaire symptomatique ou d’événement thrombotique. Un chiffre a particulièrement retenu l’attention : près de 40 % des patients traités par anti-C5 restent anémiques ou nécessitent des transfusions. Enfin, le Pr PEFFAULT DE LATOUR a souligné les avancées thérapeutiques récentes : les inhibiteurs proximaux permettent désormais une quasi-normalisation de l’hémoglobine chez les patients souffrant d’hémolyse extravasculaire cliniquement significative.


Hémolyse post-transfusionnelle retardée au cours de la drépanocytose
Pr France PIRENNE – Journée Hémolyse – Edition 2025

La Pr PIRENNE a mis en lumière une complication transfusionnelle rare mais redoutable chez le patient drépanocytaire, l’hémolyse post-transfusionnelle retardée (HPTR), et a détaillé les mécanismes immunologiques impliqués. Ce phénomène sévère se caractérise par la destruction non seulement des globules rouges transfusés, mais aussi des hématies autologues du patient, souvent associée à une réticulocytopénie marquée. Au cœur de cette réaction, l’allo-immunisation anti-érythrocytaire semble jouer un rôle clé.

Pourtant, des cas surviennent même en l’absence d’anticorps détectables, ce qui complique la prévention. Le système du complément apparaît comme un acteur central de la physiopathologie, notamment dans les formes d’hyperhémolyse aigüe. Face à cette menace, mieux comprendre les mécanismes sous-jacents est essentiel pour améliorer à la fois la prévention et les stratégies thérapeutiques. Le Pr PIRENNE a présenté les données de pharmacovigilance française (45 cas d’HPTR en 2024, dont 2 décès), les facteurs de risque identifiés et les stratégies de prévention. Elle a aussi souligné l’importance de bases de données partagées entre centres pour améliorer le suivi immuno-hématologique.


Situations hémolytiques et leurs conséquences
Pr Pablo BARTOLUCCI – Journée Hémolyse – Edition 2025

Lors d’un exposé sur les mécanismes de l’hémolyse, le Pr BARTOLUCCI a insisté sur un point souvent négligé : c’est la cause de l’hémolyse qui détermine si elle est intra ou extra-vasculaire. Une distinction loin d’être anodine, car les répercussions cliniques, notamment sur les organes cibles, diffèrent profondément entre ces deux formes.

Cependant, l’évaluation biologique d’une hémolyse en cours ne permet pas, à elle seule, d’en préciser le type. « Seule une compréhension étiologique fine permet de trancher », a rappelé le clinicien, un message clair pour affiner les diagnostics et orienter la prise en charge. L’intérêt de biomarqueurs prédictifs a aussi été évoqué.


Séquençage haut débit érythrocytaire
Pr Lydie DA COSTA – Journée Hémolyse – Edition 2025

Au cours d’une session consacrée aux avancées diagnostiques en Hématologie, le Pr DA COSTA a souligné l’impact majeur des nouvelles technologies de séquençage, notamment le séquençage haut débit (SHD), dans l’identification des anémies constitutionnelles, qu’elles soient régénératives ou arégénératives. « Plus rapides, moins coûteux, et surtout plus exhaustifs, ces outils permettent d’interroger un large panel de gènes d’un seul coup », a-t-elle expliqué. Résultat : des associations inattendues sont désormais identifiées, permettant de diagnostiquer des formes rares aux tableaux cliniques parfois atypiques.

Toutefois, ces progrès ne doivent pas masquer certaines limites précise le Pr DA COSTA : une mutation détectée doit toujours être validée par séquençage Sanger, les SHD et exomes peuvent manquer certaines délétions, grandes ou petites, et surtout, le « tout moléculaire » ne doit pas éclipser l’importance du phénotype clinique et des tests fonctionnels, en particulier l’analyse cytologique. Pour cela, le Pr DA COSTA a rappelé que le recours à ces analyses doit se faire dans le cadre des recommandations nationales (PNDS) et des guidelines internationales, garantissant leur bon usage clinique.


Microangiopathie thrombotique et grossesse
Pr Alexandre HERTIG & Dr Juliette VO XUAN – Journée Hémolyse – Edition 2025

Le Pr HERTIG interpelle : autour de l’accouchement, la survenue d’une microangiopathie thrombotique (MAT) est souvent le reflet d’une catastrophe obstétricale, notamment en cas de préeclampsie sévère ou d’hémorragie de la délivrance. Dans ce contexte, l’insuffisance rénale aigüe est fréquente et rend le diagnostic différentiel particulièrement complexe. Plusieurs étiologies doivent être envisagées : MAT placentaire, PTT, SHU atypique ou encore déficit en cobalamine C. Chacune nécessitant des approches thérapeutiques spécifiques, la coordination interdisciplinaire est indispensable. « La décision doit être prise rapidement, mais jamais isolément », a insisté le Pr HERTIG.

Gynécologues-obstétriciens, réanimateurs, néphrologues, internistes, biologistes et hématologues doivent travailler de concert. Pour améliorer la prise en charge, une RCP nationale réactive en moins de 24h a été mise en place en octobre 2023 : elle est disponible 24h/24 7j/7. Les équipes confrontées à ces situations peuvent écrire à : rcpmatgrossesse@gmail.com.

Le Dr VO XUAN a rappelé les recommandations consensuelles concernant l’identification des schizocytes, leur valeur diagnostique et leur quantification à destination des biologistes médicaux. Elle a également illustré les nombreux diagnostics différentiels pouvant compliquer l’identification des schizocytes, et enfin, elle a abordé certaines questions encore non résolues à ce jour, soulevant des défis sur le plan diagnostique.


Clap de fin sur cette journée dédiée à l’Hémolyse, point de départ de rendez-vous prometteurs autour de pathologies complexes nécessitant une approche pluridisciplinaire. Au-delà de la transmission de savoir, cet événement a permis de consolider les ponts entre disciplines, d’aiguiser l’analyse des mécanismes pathologiques et de mieux cerner les défis cliniques.

Un grand bravo aux organisatrices pour cette initiative à la fois ambitieuse et fédératrice.

Journée de l'hémolyse 2025

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