
Aujourd’hui, nous accueillons le professeur Christophe Duvoux, qui va nous parler des atteintes hépatiques dans la drépanocytose.
Quels sont les impacts de la drépanocytose sur le foie ? Comment prévenir et traiter les atteintes hépatiques associées ? Dans cette conférence exclusive, le Pr. Christophe Duvoux, spécialiste des pathologies hépatiques et de la drépanocytose à Henri Mondor (Créteil), nous explique tout.
📌 Au programme :
✔️ Comprendre la physiopathologie des atteintes hépatiques
✔️ Identifier les signes cliniques et les complications possibles
✔️ Étudier des cas concrets de patients
✔️ Découvrir les stratégies de dépistage et de prise en charge
✔️ Session questions-réponses avec des conseils pratiques
🔬 Pourquoi c’est important ?
Les atteintes hépatiques sont souvent sous-estimées chez les patients drépanocytaires, alors qu’elles peuvent évoluer vers une insuffisance hépatique sévère. Cette vidéo vous apporte les clés pour mieux comprendre cette problématique et optimiser la prise en charge.
💡 À qui s’adresse cette vidéo ?
👩Professionnels de santé (hématologues, hépatologues, généralistes)
🩸 Patients atteints de drépanocytose et leurs proches
📚 Étudiants en médecine et chercheurs
Les atteintes hépatiques sont variées dans la drépanocytose. Elles vont des pathologies biliaires secondaires aux processus hémolytiques à des hépatopathies drépanocytaires spécifiques, encore mal comprises. Ces atteintes peuvent avoir une expression clinique très variable, parfois gravissime, nécessitant une transplantation hépatique en urgence.
À cela s’ajoutent des atteintes hépatiques non spécifiques, causées par des médicaments (toxiques, anti-inflammatoires), des infections virales, des pathologies auto-immunes, ou encore des surcharges en fer.
Physiopathologie des atteintes hépatiques
Le foie a une double vascularisation (artérielle et portale). Le sang y circule à travers de petits capillaires appelés sinusoïdes, où se déroulent des échanges entre les hépatocytes et la circulation sanguine. En cas de drépanocytose, les crises vaso-occlusives peuvent obstruer ces sinusoïdes, entraînant des ischémies, des inflammations et des lésions hépatiques.
Ces crises vaso-occlusives peuvent aussi toucher les microcapillaires entourant les voies biliaires, provoquant des cholangiopathies drépanocytaires. L’atteinte hépatique est donc souvent multifactorielle :
- Obstruction des sinusoïdes hépatiques → altération des échanges sanguins et souffrance hépatique
- Lésions biliaires → inflammation chronique, cholangites, lithiases et leurs complications
Exemples de cas cliniques
Exemple 1 : Un patient avec une cholestase sévère
Un patient drépanocytaire de 28 ans est admis pour une jaunisse intense et un prurit généralisé. Les analyses biologiques montrent une bilirubine totale très élevée (supérieure à 100 µmol/L), des phosphatases alcalines augmentées et une gamma-GT fortement perturbée. Une échographie hépatique révèle une dilatation des voies biliaires intra-hépatiques, suggérant une cholangite sclérosante drépanocytaire.
Après un traitement par échange transfusionnel et un drainage biliaire, l’état du patient s’améliore progressivement, mais une surveillance hépatologique à long terme est nécessaire pour éviter l’évolution vers une cirrhose biliaire.
Exemple 2 : Une atteinte hépatique aiguë fatale
Un jeune homme de 22 ans, drépanocytaire SS, arrive aux urgences en choc hépatique avec une insuffisance multi-organes. Son bilan hépatique montre une cytolyse majeure, une chute du taux de prothrombine à 25 %, et une bilirubine libre extrêmement élevée. Une IRM met en évidence une nécrose hépatique diffuse due à une séquestration vasculaire massive.
Malgré des échanges transfusionnels intensifs et un support hémodynamique, son état se détériore rapidement et il est placé en liste prioritaire pour une transplantation hépatique. Malheureusement, l’aggravation rapide de son état ne permet pas une greffe à temps.
Manifestations cliniques
Dans 30 % des cas, une élévation modérée des enzymes hépatiques (transaminases, gamma-GT) est observée lors des crises vaso-occlusives. Ces anomalies biologiques sont souvent transitoires.
Toutefois, dans les formes sévères, la fibrose hépatique peut évoluer vers une cirrhose. Une étude montre qu’environ 5 % des patients drépanocytaires présentent des lésions hépatiques avancées, avec une hypertension portale dans 5 % des cas.
Les différentes atteintes hépatiques
1. Les cholangiopathies drépanocytaires
- Ischémiques : provoquées par des crises vaso-occlusives affectant les voies biliaires.
- Lithiasiques : accumulation de calculs biliaires, favorisant l’inflammation et l’infection.
- Cholangite sclérosante primitive : maladie inflammatoire chronique des voies biliaires, pouvant évoluer vers une cirrhose biliaire.
2. Les atteintes hépatiques aiguës
Lors des crises vaso-occlusives sévères, une séquestration massive des globules rouges peut entraîner :
- Une augmentation importante de la bilirubine conjuguée
- Une insuffisance hépatique aiguë
- Une chute des facteurs de coagulation, pouvant nécessiter une transplantation hépatique en urgence
3. Les atteintes hépatiques chroniques
- Fibrose progressive due aux épisodes répétés d’ischémie-reperfusion
- Apparition d’hyperplasie nodulaire régénérative (nodules sans fibrose)
- Cirrhose vasculaire, spécifique de la drépanocytose
Dépistage et prise en charge
Le dépistage des atteintes hépatiques repose sur :
- Un suivi régulier des tests hépatiques
- Une échographie et une IRM des voies biliaires
- Un bilan de surcharge en fer et des marqueurs d’hépatite auto-immune
La prise en charge dépend du stade de l’atteinte :
- Formes modérées : traitement symptomatique et surveillance
- Formes sévères : échanges transfusionnels intensifs pour limiter les crises vaso-occlusives
- Formes terminales : transplantation hépatique si le foie est en insuffisance avancée
Questions / Réponses
Q : Peut-on prévenir les atteintes hépatiques dans la drépanocytose ?
R : Il est difficile de prévenir totalement ces atteintes, mais une hydratation optimale, un suivi hépatologique régulier et la limitation des épisodes vaso-occlusifs via des échanges transfusionnels ou des traitements comme l’hydroxyurée peuvent réduire les risques.
Q : La greffe de foie est-elle une option viable ?
R : Oui, mais elle est rarement pratiquée chez les patients drépanocytaires car la drépanocytose reste une maladie systémique. Une transplantation hépatique peut être envisagée en dernier recours si l’insuffisance hépatique est terminale.
Q : Quelle est la fréquence des atteintes hépatiques graves chez les patients drépanocytaires ?
R : Environ 5 à 10 % des patients drépanocytaires présentent une atteinte hépatique sévère nécessitant une prise en charge spécialisée. Les formes aiguës fulminantes restent rares mais graves.
Q : Un patient drépanocytaire peut-il prendre du paracétamol pour des douleurs sans risque pour son foie ?
R : Oui, le paracétamol est généralement bien toléré, mais il ne doit pas être pris en excès (pas plus de1g toutes les 6 h). Une surveillance des enzymes hépatiques est conseillée en cas d’utilisation prolongée ou excessive.
Conclusion
Les atteintes hépatiques dans la drépanocytose sont fréquentes mais souvent sous-estimées. Il est crucial de les diagnostiquer précocement pour prévenir l’évolution vers une cirrhose ou une insuffisance hépatique terminale. Une prise en charge multidisciplinaire est essentielle, impliquant hématologues, hépatologues et chirurgiens spécialisés.